Dans la région du Kivu, deux facteurs aggravent les risques naturels: les facteurs naturels et les facteurs anthropiques. Cette région se trouve dans un contexte particulier qui est la branche occidentale du Rift Est Africain caractérisée par des mouvements d’extension intra plaque et un volcanisme qui lui est associée. Au-delà des risques naturels, un héritage géologique particulier est associé à ce contexte . L’objectif de l’exposé que nous avons fait au cours de la conférence organisée par le BEGE-RDC dans le cadre de la célébration de la Journée des Sciences de la Terre en Afrique et au Moyen Orient (DESAME 2016) était de cerner la relation entre le rifting, les risques et le géohéritage pour afin donner quelques perspectives de recherche dans le cadre des projets du Bureau d’Etude Géologique et Environnementale en RDC, BEGE-RDC.
Le rift Est Africain s’étend du Sud de la mer Rouge au nord du Zambèze sur plus de 6000 km de longueur et 40 à 60 km de largeur. Il comprend deux branches, dont une occidentale et une orientale. La région du Kivu fait partie intégrante de la branche occidentale et se trouve à l'Est de la République Démocratique du Congo. Dans cette région, deux volcans sont actifs: le Nyiragongo (stratovolcan) et le Nyamulagira (volcan bouclier). Ces deux volcans se retrouvent tous dans le parc de Virunga. Le Nyiragongo s’est illustré ces dernières années par son activité fissurale associé au rifting en plus de son activité centrale caractérisée par un lac de lave permanant dans son cratère. Son éruption de 2002 a conduit à l’activation des failles dans la région du Nord-Kivu. Cette activité fissurale en fait un volcan dangereux du fait que le magma est à même de sortir à travers les failles traversant la ville de Goma. C’est ainsi qu’on observe des nombreux cônes parasites le long de failles et les coulées anciennes en recouvre d’autres. C’est ainsi que l’on observe que deux stratovolcans âgés, Baruta et Shaheru, sont partiellement recouvertes par le Nyiragongo au nord et au sud. L’activité volcanique de 2002 a eu des conséquences tant sur les biens que sur les humains. En plus de ces conséquences, un certain nombre des bénéfices sont associés aux activités volcaniques tant anciennes que récentes dans la région du Kivu. Par exemple, les produits issus de ces activités sont couramment utilisés comme matériaux de construction. Les produits d’altération de ces produits présentent aussi d’énormes avantages. En effet, les terrains situés dans ces zones présentent une fertilité inégalable propice au développement de l’agriculture dans la région.
Les activités connexes aux volcanismes dans la région sont les sources hydrothermales, les fumeroles et les émanations de gaz (CO2 par exemple) à travers les fractures et leurs accumulations dans des zones qu’on appelle mazuku. Ce dernier constitue un danger permanant pour les personnes mais peut permettre de tester des méthodes directes et indirectes de détection de fuite de CO2. Les sources thermo minérales présentent aussi non seulement un avantage scientifique mais aussi un avantage économique. Ces sources sont souvent alignées suivant les directions de faille dans la région et peuvent ainsi être utilisées du point de vue tectonique. Elles sont aussi souvent carbogazueses et des travertins sédimentent à leurs alentours lorsqu’elles sont sursaturées par rapport aux différents minéraux. Elles peuvent permettre d’évaluer la mobilité des éléments susceptibles de constituer des sources de pollution suite à des interactions eaux enrichies en CO2-roches. Elles constituent de ce fait des analogues naturels pour l’évaluation des conséquences hydrogéochimiques au site d’injection du CO2. Ces sources présentent aussi un intérêt économique en ce sens qu’elles présentent d’énormes potentialités touristique et leurs ressources hydriques sont consommées par les populations locales.
Le volcanisme associé su rifting dans la région du Kivu présente des nombreux avantages scientifiques dans la mesure où il permet d’accéder à des matériaux constituant les couches internes du globe terrestre, dès lors des échantillons pour faire des études pétrologiques sont disponibles à la surface. Dans la région du Kivu, le volcanisme est lié soit au point chaud et/ou au rifting. De ce fait des études pétrologiques sont nécessaires afin de mieux discriminer le contexte magmatique à l’échelle locale. Ce volcanisme libère aussi l’énergie interne de la terre et le Rift Est Africain nous permet de comprendre la tectonique de plaque et d’établir le modèle d’évolution du rifting intracontinental vers la formation d’une dorsale océanique.
Que ça soit le volcanisme ancien ou récent, il présente des potentialités géo touristiques importantes dans la région du Kivu. A titre d'exemple, nous pouvons citer le cas du Lac Vert au nord Kivu qui se trouve dans un cratère et continue à fasciner jusqu’à ce jour la communauté scientifique. D’autres exemples existent, comme le cratère égueulé de Keshero (au Nord-Kivu) ou même certains volcans dits éteints de Kahuzi et Biega (au Sud-Kivu). Le volcan Nyiragongo avec son panache de gaz et son lac de lave constitue non seulement une curiosité scientifique mais aussi touristique. Citons en outre, les tunnels de laves qu’on retrouve au Nord-Kivu ou les coulées pahoehoe et chaotiques qu’on retrouve dans cette région.
Les zones de rifting sont des zones d’accumulation de sédiment susceptible de contenir des hydrocarbures si les conditions sont réunies. Cas du pétrole dans le graben albertin. A l’est de la République Démocratique du Congo, dans la branche Ouest du Rift Est Africain, il y a 50.000 Km2 de bassin sédimentaire constitué de : Graben Albertin, Graben Tanganyika, Graben de l’Upemba, Graben de Bangwelo, Graben de Moero. Ces zones de dépression constituent des bassins sédimentaires ouverts à l’exploration des hydrocarbures. Au-delà de ça, les lacs des fossés d’effondrement qu’on retrouve à l’Est de la RDC constituent aussi un héritage lié au rifting. Le lac Kivu constitue une particularité du fait de son gaz (CO2, CH4 par exemple) contenu issu des activités volcaniques et de la dégradation de la matière organique. Même si ce gaz constitue une menace pour les populations riveraines, il présente aussi des potentialités économiques dont énergétiques.
La région du Kivu est aussi tectoniquement active et plusieurs risques sont alors associés à la configuration structurale et géomorphologique de la région. C’est ainsi que, les activités sismiques se font de plus en plus ressentir et certains mouvements de masse gravitaires sont provoqués par ces séismes. Parmi les différents facteurs aggravants les risques naturels dans la région du Kivu, la tectonique et la géomorphologie jouent un rôle non négligeable.
Au vu de ces faits, dans le cadre des projets du Bureau d’Etude Géologique et Environnementale en RDC, un certain nombre de perspectives s’annonce. Il s’agit, de la caractérisation pétrologique des roches magmatiques (en vue de discriminer le contexte magmatique) dans la région; la cartographie des sources hydrothermales dans la région, leur usage du point de vu tectonique, évaluation de leurs potentialités énergétiques; la cartographie des failles et identification des failles actives dans la région; la sensibilisation de la population sur les facteurs et mesures préventives de risques naturels dans la région; l’étude de l’altération de roche magmatique et séquestration du CO2; l’étude des analogues naturels et les accumulations naturelles de CO2 dans la région; l’étude des accumulations sédimentaires dans la région et évaluation de leurs potentialités en hydrocarbure; la promotion du géo tourisme dans la région; la caractérisation des produits d’altération de roche volcanique dans la région en vue de leur usage en génie civil, céramique ainsi que la caractérisation des produits volcaniques (cendres) en vue de leur usage dans l’amélioration de la fertilité de sol (notion d’application de l’agro géologie).
REFERENCE (Voir page 12)